Marchiennes... Des jours, des semaines, des mois, des années, une éternité. Qui sait combien de ces unités de temps se sont écoulées depuis leurs épousailles? Ce qui est certain c'est que leur nombre est considérable et qu'elle en a perdu le fil. Mais elle y est revenue en ces terres sacrées, et elle ne sait pas vraiment pourquoi. Elle sait le Castel vide de lui et de sa présence. Mais elle se trouve à nouveau en ces lieux où l'espoir a côtoyé le désespoir, ou la joie a côtoyé la tristesse, ou l'amour a côtoyé la haine. Tant de sentiments contradictoires pour un seul cœur, si fragile, si meurtri et qui malgré tout continue de battre. Parce que finalement il y a tant de choses qui valent la peine d'être vécues même si sur le chemin de leur consommation tant d'obstacles se dressent. Il est dit que c'est ainsi que l'on gagne cette force qui nous anime et qui nous permet de voir au delà de la mort et de la souffrance. Il est dit, mais est-ce vrai?
Elle souffre de son absence et de ses silences justifiés. Non, elle n'est pas si forte que cela. Elle ne l'a jamais été d'ailleurs. Mais qu'il est si aisé de le faire croire au monde extérieur. L'impassibilité glaciale est un vêtement qui semble avoir été parfaitement taillé pour ses fines épaules. Alors elle le revêt sans se poser plus de question que cela. Non, ce n'est pas là une solution, mais qu'importe, elle lui convient parfaitement. Rose aux pétales blancs de la pureté; Rose aux pétales blancs de la glace. Deux identités qui s'alternent au fil des rencontres et des besoins, mais seule la première s'éclot dans la solitude d'une chambre vide.
- Dame, nous sommes arrivés.
Elle relève doucement son visage qu'elle avait enfoui dans un confortable coussin le temps du voyage. Sa dextre délicate s'élève lentement pour repousser le rideau et libérer le jour. L'astre solaire est déjà haut dans le ciel et envoie un chaud rayon caresser la joue comtale. Un peu de chaleur nordique quand le sud ne connait que le froid de la stupidité. Un sourire songeur se dessine alors qu'elle se redresse. Elle pose son regard sur le couffin installé sur la banquette face à la sienne. Une petite princesse y dort à poings fermés. Ne résistant pas à l'appel de ses bras, elle la prend doucement contre elle, espérant ne pas l'éveiller. Petite poupée de porcelaine encore innocente de la vie, encore peu soucieuse de ce qui l'entoure, se contentant du strict minimum, mais dont la destinée est déjà toute tracée. Pacte a été convenu et signé.
Qu'il en soit ainsi.
Dans un léger mouvement, elle se glisse au dehors dans la Cour du Castel, gardes au garde a vous, servantes en attente d'instructions, majordome au rapport. Mais elle n'en a cure. Elle veut juste retrouver le cocon conjugal pour s'y ressourcer.
Bienvenue mon petit ange dans les terres de ton pere...
Ba? Tel un aiglon, ledit ange a ouvert une paupière vite refermée. C'est qu'il tape le soleil. Hum.... Et c'est qu'il n'est pas vraiment content d'avoir été dérangé. Mais bon, dans les bras de maman, ça va, ça se pardonne.
Et Mère et fille se gagner le Castel...