Elle connaissait le domaine par coeur. Il faut dire qu'elle y avait passé bien du temps, perdue au milieu de sa solitude, reproduisant en partie sans le vouloir, le chemin qu'avait tracé sa Mère avant elle, suite à la disparition de son Père. Chaque recoin avait perdu son secret, tandis qu'en de longues promenades solitaires elle s'était laissée aller. Un seul lieu avait échapper à ses errances : la chambre parentale. Enfin, pas vraiment. Elle y était venue une fois, lorsque sa mère était morte et qu'il avait fallu lui trouver une toilette digne de son nom pour qu'elle repose en paix dignement belle dans sa beauté qui n'avait au final, été défigurée que par sa folie. Elle avait vu son visage reposé. Il était marqué par les signes de la vieillesse, mais elle restait sublime, comme dans les quelques souvenirs qui lui restaient d'elle et qu'elle était encore présente au monde de la raison. Elle avait choisi une houppelande de soie et de velours vert, bordée d'une hermine d'un blanc pur. Pour les bijoux et les ornements, tout avaient été réduit à un pendentif qu'elle ne quittait jamais et qui présentait une croix en or et l'alliance de son second mariage.
Mais ce jour là, cette unique visite ne s'était pas bornée à la tenue mortuaire de sa mère. Elle avait également trouvé accroché à un écritoire, le journal personnel de sa mère, qu'elle n'avait pu s'empêcher d'emporter. Elle seule désormais connaissait les secrets de sa mère. Ou du moins, elle seule avait la clefs de ses secrets car elle n'avait pas encore osé le lire. Par respect. Par pudeur. Par peur, aussi. Un jour peut être? Oui, peut être...
Quand elle aurait le courage. Mais son courage l'avait laissée vagabonder dans les murs du Castel et à ne plus jamais revenir en haut du Donjon, désormais abandonné. Etait ce si important? Non. L'important consistait à en interdire l'accès au Chevalier revenu dont elle ne savait ou. Il ne méritait pas encore d'y retourner, d'y pleurer qui sait et de retrouver les dernières traces laissées par la Rose. Car les traces étaient nombreuses. La poupée n'avait pas pris le soin de faire le ménage. Etait ce un mal pour un bien, ou un bien pour un mal? Elle ne se posait même pas la question. Elle ne se posait aucune question. Elle voulait juste prendre l'air, à la lueur d'une lune timide, croisant en haut des murailles les gardes du Castel. On devinait au loin les feux du village et le feu de camp des hommes du Chevalier. Elle s'abandonna à les regarder, frissonnant de froid parce que oui, à cette époque de l'année, il faisait froid et qu'elle n'avait pas pris le soin de prendre une mante en laine chaude. Aucune importance. Même un habit chaud n'aurait pas su la réchauffer et n'aurait pas su lui apporter le confort dont elle avait besoin. Il était revenu, mais il y avait toujours ce vide. Il était là au Castel, mais c'est comme s'il n'était pas là.
Je vous hais.... je vous hais... Si vous saviez comme je vous déteste.... Parla t elle dans sa tête ou se laissa t elle emporter par ces troublants sentiments? Excellente question. JE VOUS DETESTE!